Un badge qui pend, des gestes sûrs, mais quand vient la fin du mois, c’est une tout autre histoire qui s’écrit sur la fiche de paie. Clara, aide-soignante en EHPAD, jette un œil sur le bulletin de Julie, sa collègue à l’hôpital. Même routine, même fatigue, même blouse blanche, mais le compte ne s’équilibre pas. Le dévouement, lui, ne connaît pas de secteur ; la rémunération, si.
Comment expliquer que le même métier, la même qualification, se traduisent par des montants si divergents selon l’établissement ? Entre les couloirs calmes d’un EHPAD et l’agitation d’un service hospitalier, ce n’est pas seulement l’ambiance qui change : c’est la façon dont la société valorise, ou non, ces heures passées à prendre soin des autres.
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Pourquoi les salaires des aides-soignants varient-ils entre EHPAD et hôpital ?
La comparaison du salaire des aides-soignants en EHPAD et à l’hôpital révèle une réalité plus complexe qu’il n’y paraît. L’écart ne tient ni au hasard ni à la seule notoriété de l’établissement. À l’origine, tout se joue sur le statut, la structure de l’employeur et l’impact des réformes récemment engagées.
Des statuts différents, des rémunérations contrastées
- Dans un hôpital public, l’aide-soignant bénéficie d’une grille de la fonction hospitalière, calquée sur celle de la fonction publique, avec traitement indiciaire, primes et déroulement de carrière clairement encadré.
- Côté EHPAD, tout dépend du statut : les établissements publics appliquent la même grille que l’hôpital, mais la majorité du secteur médico-social dépend d’associations ou de groupes privés. Là, ce sont d’autres conventions collectives qui s’appliquent, rarement aussi avantageuses.
À l’arrivée, le salaire moyen d’un aide-soignant à l’hôpital public approche les 1 900 euros nets mensuels après le Ségur, tandis qu’en EHPAD privé ou associatif, il oscille plutôt entre 1 600 et 1 750 euros, d’après la DREES. La FEHAP, qui représente le secteur privé non lucratif, tente de réduire l’écart, mais n’a pas comblé le fossé.
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Réformes et disparités persistantes
Les réformes récentes, dont les accords Ségur, ont donné un coup de pouce à la rémunération dans les hôpitaux, mais le rattrapage dans les EHPAD reste partiel, surtout dans le secteur privé. À cela s’ajoutent les primes, l’ancienneté, la taille de l’établissement, autant de facteurs qui alimentent la disparité. Résultat : la France persiste à segmenter le métier, avec une même blouse, mais des rémunérations en mosaïque.
Grilles salariales : ce que gagnent réellement les aides-soignants dans chaque secteur
Dans l’hôpital public, la rémunération des aides-soignants suit une grille indiciaire nationale. Le montant dépend de l’échelon, de l’indice majoré et de l’ancienneté. À ses débuts, un aide-soignant perçoit environ 1 800 euros brut par mois ; en fin de carrière, le salaire grimpe à 2 200 euros brut, sans compter les primes. Les progressions d’échelon s’échelonnent tous les deux à trois ans, selon l’ancienneté.
En EHPAD public, on retrouve les mêmes repères. Mais dans la grande majorité des EHPAD, associatifs (convention FEHAP) ou commerciaux,, le salaire d’entrée se situe plutôt entre 1 600 et 1 750 euros brut, selon la convention collective et la reconnaissance (ou non) de l’ancienneté. Les EHPAD privés restent généralement en retrait, avec des évolutions de carrière moins clairement tracées.
Secteur | Salaire brut mensuel à l’embauche | Salaire brut mensuel en fin de carrière |
---|---|---|
Hôpital public (FHF) | 1 800 € | 2 200 € |
EHPAD public | 1 800 € | 2 200 € |
EHPAD privé associatif (FEHAP) | 1 650 € | 1 900 € |
EHPAD privé commercial | 1 600 € | 1 800 € |
- Le diplôme d’État donne accès à ces grilles, mais ne garantit pas l’uniformité salariale d’un secteur à l’autre.
- En 2023, la DREES observe toujours un écart de 200 à 300 euros net chaque mois entre l’hôpital public et l’EHPAD privé.
Ce décalage se creuse encore à cause d’une application partielle ou tardive des accords Ségur dans le privé, le rattrapage salarial reste à la traîne par rapport au secteur public hospitalier.
Primes, indemnités et avantages : des compléments qui font la différence
À l’hôpital, le salaire de base n’est qu’un point de départ. Les aides-soignants du public additionnent plusieurs primes qui gonflent le bulletin de paie. Depuis 2020, la prime Ségur s’ajoute : 183 euros nets de plus chaque mois. À côté, il y a la prime de nuit, la prime pour travail dominical et jours fériés, et la prime grand âge pour ceux qui exercent en gériatrie.
- En pleine pandémie, la prime exceptionnelle Covid a récompensé l’engagement avec jusqu’à 1 500 euros ponctuels.
- L’indemnité de résidence fluctue selon la région, de 0 à 3 % du salaire brut.
- Le supplément familial de traitement varie selon le nombre d’enfants à charge.
En EHPAD public, la plupart de ces compléments existent aussi. Mais dans le privé, les conventions collectives dessinent un autre paysage : les primes Ségur n’atteignent pas toujours le niveau du public, et leur versement dépend de la transposition effective des accords. Les primes de nuit et de dimanche ne sont pas systématiques, leur montant diffère d’un établissement à l’autre.
La grille hospitalière offre une visibilité et une régularité sur les compléments. En EHPAD privé, c’est plus flou : primes minorées, ancienneté reconnue de façon parcellaire, avantages sociaux souvent réduits au minimum. Au bout du compte, ce n’est pas seulement le salaire brut qui fait la différence, mais l’addition mensuelle de ces lignes quasi invisibles sur la fiche de paie.
Faut-il privilégier l’EHPAD ou l’hôpital pour une meilleure rémunération ?
La tentation d’aller vers l’hôpital se comprend : une grille transparente, des primes conséquentes, une prévisibilité rare dans le secteur médico-social. Un débutant touche en moyenne 1 700 euros nets chaque mois à l’hôpital public, primes comprises. En EHPAD public, le schéma ressemble, même si le rythme des primes peut différer. Dans le privé, le différentiel s’accroît : la rémunération glisse souvent entre 1 500 et 1 650 euros nets, tout dépend de la convention et des accords en vigueur sur place.
La carrière, elle aussi, pèse dans la balance. À l’hôpital, la spécialisation (bloc, psychiatrie, urgences) ouvre des portes, avec des grilles qui valorisent l’expérience. En EHPAD, surtout dans le privé,, la progression est lente, les primes plus rares, l’ancienneté parfois à peine reconnue.
- Dans les métropoles, la prime d’installation (jusqu’à 2 000 euros) donne l’avantage au public hospitalier.
- La mobilité interne s’avère plus fluide à l’hôpital, favorisant une évolution de carrière plus rapide.
- En clinique privée, tout dépend du groupe gestionnaire ; parfois, la rémunération reste nettement inférieure à celle du public.
La pression du travail, elle, ne se chiffre pas, mais elle oriente les choix. À Paris, la concurrence sur les salaires conduit certains EHPAD privés à tenter de rejoindre le niveau du public. Mais dans la réalité, l’hôpital conserve la main sur la valorisation salariale, pour celles et ceux prêts à relever le défi du rythme collectif. Entre blouse et bulletin de paie, le choix continue de se faire au gré des priorités de chacun, mais les chiffres, eux, ne mentent pas.